Mes collègues de l'atelier d'écriture ont une imagination vraiment fertile et arrivent à voguer dans des eaux vraiment lointaines.
Souvent, pour ma part, j'écris sur des thèmes, des émotions qui me traversent dans mon quotidien.
Ici, je rentrais du Japon où j'avais appris une nouvelle qui avait un peu bouleversé mon voyage et que j'avais besoin d'exorciser par l'écriture...
Bancs
Dans le métro, les bancs ont disparu.
Au village, le banc des vieux accueille les touristes.
Il faut passer au banc d'essai, tenter d'éviter le banc des accusés.
Les bancs de glace fondent et noient les bancs de sable- que dire des bancs de poissons?
Mais... dans le fond du jardin le banc garde encore les secrets.
Quel est votre banc?
Qu'a-t-il à raconter? Ou que savez-vous de lui ?
Contrainte: insérer dans le texte les mots tirés au sort, dans l'ordre. (Briser, béatitude, envol,père, noir, miracle, Clémence, atténuer, sinistre)
Acrostiche : commencer les phrases par les lettres B-A-N-C.
Brisée, elle était brisée. Après 70 ans à ses côtés, elle n'imaginait pas comment poursuivre le chemin... Nul ne pourrait dire qu'ils avaient vécu une existence béatitude mais malgré tout, chacun d'entre eux avait été l'oxygène de cette second moitié d'eux-même. Cet envol auquel elle ne s'était jamais véritablement préparée la laissait vide. Bien plus que le père de ses enfants, il avait été l'épaule sur laquelle pleurer, la béquille sur laquelle s'appuyer. Aujourd'hui, son ciel était devenu noir. Noir corbeau même. Ce miracle tant espéré ne s'était pas produit et dieu seul sait à quel point elle avait imploré sa clémence.
Bouleversée, démunie, elle savait au plus profond d'elle-même que rien n'attenuerait la douleur de cette absence, de cette amputation. Accompagnée d'une météo aussi sinistre que son esprit, elle jeta un coup d'œil à ce jardin qui manquait déjà de Lui. "Notre univers commun, notre domaine pas si secret que cela" songeait-elle, les larmes au bord des yeux. Ces yeux qui se figèrent à la vue de cet objet symbolique. Bien que le temps ne soit pas idéal, elle chaussa ses sabots, attrapa son déambulateur dernier cri et sortit sans bruit.
Abattue, elle s'avança cahin-caha vers ce banc qui semblait l'appeler dans un murmure.
"Nous aimions tant profiter de la fraîcheur du crépuscule et admirer notre chef d'œuvre jardinier". Ses haricots verts, ses tomates contre ses hortensias et ses roses somptueuses. Chacun maître de l'univers dans lequel il excellait. Elle repensait aux échalotes qu'il plantait chaque année parce qu'il savait à quel point elle en raffolait dans sa salade.
Elle soupira. Il avait trouvé le moyen de décaler le banc avant son départ pour mieux apercevoir sa serre quand il s'y asseyait. Cette serre qu'elle le soupçonnait d'aimer davantage qu'elle. Cette serre qu'il ne quittait plus dès les beaux jours revenus.
Le positionnement de ce fameux banc, dégoté à Jardiland alors qu'elle n'y croyait plus, était objet de discorde. Quand ils reprenaient l'air après la saison hivernale, savoir qui aurait gain de cause quant à l'endroit où il trônerait tout le reste de l'année provoquait multitude de scènes de ménage qui, avec le temps, étaient devenues leur principal mode de communication. Elle obtenait toujours ce qu'elle voulait mais elle aimait tempêter et le voit argumenter sans simplement d'avouer directement vaincu. Elle savait que désormais, ce banc resterait à cet endroit exact, elle savait qu'elle s'assierait dorénavant à sa place, à droite, pour contempler cette serre à qui il manquait autant qu'à elle.
Parce que sur ce banc qui avait occasionné de nombreux noms d'oiseaux, elle avait également passé de nombreuses heures à lui tenir la main, ils avaient passé un temps infini à discuter météo ou retard de floraison, ils avaient contemplé les mêmes fraises des bois revenir année après année, ils s'étaient aimés profondément et infiniment...
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